Florence MALBRAN-LABAT Le site d’Ougarit a connu une très longue occupation puisqu’il fut habité dès l’époque néolithique. Mais, bien que la ville soit déjà connue dans les archives de Mari, l’histoire de ce royaume se situe essentiellement aux XIVème et XIIIème siècles, avant d’être détruit au début du XIIème siècle (vers 1190/1185), sans doute par les « Peuples de la mer ». Il fut d’abord au début du XIVe siècle vassal de l’Egypte. Mais la montée en puissance de l’Empire hittite avec le roi ambitieux que fut Shouppilouliouma modifia l’équilibre de cette région ; après une période d’expectative, Ougarit finit par se rallier au pouvoir hittite : c’est de son côté qu’il se rangea lors de la bataille de Qadesh où s’affrontèrent les deux super-puissances de l’époque: le Hatti et l’Egypte. Désormais il versa tribut au Grand roi hittite, à qui appartenait aussi de décider des frontières de son vassal, de ses alliances, voire de sa politique matrimoniale et dynastique : ce fut lui qui décida en dernier ressort du châtiment d’une reine coupable. Dans de nombreux domaines, notamment militaire et droit commercial international, son autorité fut par la suite relayée par celle du roi de Carkémish, géographiquement plus proche. Les textes juridiques, souvent passés devant le roi, ont permis de retrouver la succession des rois de la dynastie qui gouverna le pays à cette époque : Ammistamrou (I), Niqmaddou (II), Ar-Halba qui règnèrent au XIVème siècle, puis Niqmepa au long règne (ca 1213-1260), Ammistamrou (II), Ibiranou, Niqmaddou (III) et Ammourapi (ca 1215-1186). Ce petit royaume prospère, qui disposait à la fois des richesses de l’agriculture et des profits d’un actif négoce international, se trouva toujours soumis à une grande puissance, d’abord le Mitanni, puis l’Egypte, enfin le Hatti. Il occupait en effet une position stratégique sur la côte syrienne. Des produits lointains transitaient par son port, comme le lapis-lazuli d’Afghanistan, l’étain d’Iran, l’ivoire d’Egypte, le cuivre de Chypre ou les marchandises transportées par l’Euphrate vers l’Occident. Certaines maisons comportaient de vastes aires de stockage et des magasins ; de véritables firmes commerciales, qui avaient des comptoirs dans diverses villes étrangères, organisaient le négoce, avec de nombreux chargés de mission et des mandataires; elles géraient des caravanes d’ânes ou des bateaux en direction notamment de l’Egypte, de l’Anatolie et du monde mycénien. Une élite, famille royale, grands fonctionnaires, riches propriétaires et négociants internationaux y connurent une vie raffinée : le grand intendant Yabninou ne fit-il pas venir de Grèce des vases décorés selon ses goûts ? Sur place les techniques du verre, de la faïence, de la métallurgie du cuivre et du bronze, du bois et de l’ébénisterie réalisaient des objets utilitaires ou décoratifs très achevés. Si la politique extérieure du royaume dépendait des visées de l’Empereur hittite, le roi et ses fonctionnaires assuraient la gestion intérieure du royaume et participaient au négoce international dont Ougarit était la plaque tournante. Le royaume était bien administré : les produits de l’élevage et de l’agriculture étaient répertoriés, taxés, redistribués. Au palais royal étaient archivés, en des lieux bien définis, les documents diplomatiques et les actes définissant le régime et la propriété des terres ; mais les pièces comptables, les relevés administratifs et les lettres qui témoignent de l’activité diplomatique et économique du pays ont été retrouvés en différents endroits dans le palais aussi bien que dans des maisons privées, sans doute celles de hauts fonctionnaires en charge des affaires courantes. Une maison du centre-ville semble avoir été particulièrement importante pour la gestion des rites religieux,très importants pour la monarchie, tandis que, sur l’Acropole, la maison du Grand prêtre abritait une bibliothèque avec des tablettes consacrées aux mythes et légendes du pays.